J’ai un petit ami depuis 11 ans. Notre rêve serait de vivre ensemble et de nous marier. Mais c’est impossible car si je vis avec lui, il sera obligé de payer toutes mes charges ! Prêt auto, assurance auto, soins dus à mon handicap, non remboursés entièrement par la sécu. Sans oublier le gasoil, les vêtements et les petits plaisirs de la vie. Je vis avec l’AAH et je peux garantir que c’est tout juste. Mon petit ami a lui aussi ses charges.
Alors on reste chacun chez soi. C’est triste, on a plus de 50 ans tous les deux, on s’aime, mais on est obligés de rester célibataires. C’est pas juste.
C’est déjà difficile de vivre avec un handicap, on est condamné aussi à vivre seul. On ne l’a pas choisi. On s’aime en cachette.
J’ai 40 ans. Il y a plus de dix ans ma vie a basculé. Je souffre d’une cyphose thoraco lombaire, entre autres problèmes de santé… Cette pathologie est irrémédiable, irréversible. Ce sont des douleurs intenses, je n’ai pas pu garder mon emploi, j’ai subi des discriminations… J’ai tout perdu, boulot, vie sociale et vie amoureuse. J’ai vécu sous morphine pendant longtemps à haute dose.
Je déprime trop, je me suis faite hospitalisée car j’ai eu envie de mourir. Je sors de l’hôpital psy faute d’argent, et je m’oriente vers un centre anti-douleur. On stoppe la morphine, et on me blinde d’anti-dépresseurs, qui doivent agir sur la douleur. Je prends dix fois plus de médocs, plein de trucs, trop de trucs. Puis retour à la morphine, j’ai essayé de travailler de nouveau mais j’ai encore perdu mon travail. Je m’adapte mal à la morphine, je craque et ça casse. Je retourne vivre chez mes parents. Pôle emploi ne sait pas quoi faire de moi et m’envoie vers Cap emploi. On me propose une super formation d’infographiste, mais je me paralyse pendant la formation à Paris, je dois rembourser toute la formation, car ce serait comme un abandon ! On ne sait pas non plus quoi faire de moi. Je n’y vais plus, je suis dégoûtée. Malgré toutes mes galères, je rencontre quelqu’un sur internet. Je subis des opérations, je porte un corset, en continu. J’ai droit à l’AAH, je suis soulagée, je peux rembourser mes dettes.
Après trois mois d’immobilité totale, à réapprendre à marcher, se baisser, conduire… La douleur revient tous les jours un peu plus. C’est pire qu’avant. On me propose d’autres opérations, très compliquées et très lourdes. Le choc… Fini les rêves… Je m’effondre. Dépression. Le couple tient même si c’est dur. On s’aime. Je reprend le dessus, je prépare une demande de renouvellement pour l’AAH.
Je ne peux plus travailler. Donc ? Je dois me débrouiller avec mon AAH pour le restant de ma vie. Je n’ai pas le choix, je dois prendre un appartement à mon nom. Mon homme ne peut pas payer pour moi, je ne veux pas dépendre de lui non plus. Je ne suis déjà plus bonne à rien, je ne peux plus rien faire, je ne veux pas en plus n’avoir plus d’argent à moi… On ne peut pas vivre ensemble. On ne peut pas acheter une maison. On ne peut pas se marier. On vit cachés… J’ai un appart’ qui ne sert à rien. Il y a un frigo avec un peu de nourriture en date longue, je le chauffe en hiver. Mes affaires et mes vêtements sont presque tous là bas, ainsi que mes papiers. Je vis avec mon homme mais pas officiellement. Nos amis savent.
On ne pourra jamais construire un foyer, on n’aura jamais notre maison, on n’aura jamais notre vie. Je déteste mon handicap, je déteste cette vie. Ce n’est pas juste. Ce qu’il y a de pire dans tout ça, c’est que l’État perd de l’argent, en encourageant la fraude !
AAH 900€
On m’aide pour EDF 175 €
On m’aide pour la mutuelle 200 €
J’ai l’APL 275 € => Total dépensé par l’Etat : 1550 €
Je donne pour mon appartement qui ne sert à rien : 200 €. Donc je me débrouille bien avec 900 € d’AAH, il me reste 700€. Je coûte 1550 € à l’Etat.
Je n’aurai pas besoin de toutes ces aides ! Je ne comprends pas. J’espère que les sénateurs et les députés nous écouterons.
J’ai la vingtaine. Je ne souhaite pas parler de mon handicap, mais sachez que je suis reconnue à 80%, je touche l’AAH. Je suis accompagnée dans ma vie de tous les jours par un chien d’assistance et je ne peux pas conduire. Comme beaucoup de jeunes filles de mon âge, j’ai eu quelques aventures, qui se sont terminées plus ou moins bien. Le handicap y est pour beaucoup. Ce n’est pas évident pour le partenaire (et pour son entourage !) de faire ménage à trois avec cet invité pas vraiment désirable.
Fin 2019, j’ai rencontré quelqu’un avec qui tout se passait bien, quelqu’un qui était prêt à se mettre en couple avec moi malgré ma différence. Nous sommes tombés amoureux et nous nous voyions tous les soirs. Nous faisions garde alternée : une nuit chez lui, une nuit chez moi !
Puis, le Covid est arrivé. Nous ne nous sommes pas vus pendant plus de deux mois, comme beaucoup de couples. Le confinement a précipité nos projets et nous avons décidé d’habiter ensemble. En ajoutant le loyer que nous payions chacun de notre côté, nous pouvions avoir une petite maison avec jardin en centre-ville. L’idéal pour nous et pour mon chien. Qui ne l’aurait pas fait à notre place ? Mais tous les contes de fées ne se passent pas comme prévu. À ce moment-là, je me rends compte que si on habite ensemble, sans être ni pacsé ni marié, je perds plus des trois quarts de mon AAH.
Cela a été très difficile à admettre pour moi qui ait toujours mis un point d’honneur à être le plus indépendante possible. Avec mon AAH et mes APL, soit un peu plus de 1100€ par mois, certains mois étaient difficiles mais je m’en sortais. J’arrivais même à mettre un peu d’argent de côté. Mais avec le petit pécule que cette loi absurde m’autorise à avoir, soit environ 200€, comment vivre décemment ?
Nous nous faisons passer pour de très bons amis en colocation. Nous avons donc déménagé depuis quelques mois dans une petite maison, avec jardin et surtout avec deux chambres, deux lits faits, deux penderies, deux gobelets à dents, deux gels douches différents, et absolument rien d’autre en commun que notre contrat de colocation.
Je pensais que tout se passerait bien. Mais non. Ça va mal. Je vais mal. J’ai l’impression de vivre comme une délinquante, d’être en cavale.Seulement nos familles et nos amis proches sont au courant que nous sommes en couple. Pour les autres, c’est « Je vous présente mon colocataire ». Nous passons notre temps à nous cacher. On ne se tient pas la main dans la rue. Nous n’avons aucune photo ensemble sur les réseaux sociaux, ni même dans nos téléphones. Pas de mots doux par messages, ça pourrait jouer contre nous. Le volet de notre fenêtre donnant sur la rue est quasiment toujours fermé, et je tremble de peur dès que quelqu’un qui n’est pas attendu sonne à la porte.
Cette situation ronge peu à peu notre couple. Des fois, nous avons réellement l’impression d’être davantage de très bons amis en colocation qu’un couple.
Mon cerveau me persuade que je suis une mauvaise personne. Je ne suis pas heureuse, alors que je n’étais pas comme ça avant. J’étais le genre de fille qui a une joie de vivre communicative, et de très nombreux projets. Je ne suis plus rien maintenant. Je ne me sens pas libre.
Je sais que mon témoignage est relativement long mais j’avais besoin de m’exprimer. J’espère que la loi va enfin passer. Il n’est pas normal, de nos jours, de ne pas être l’égal de son conjoint simplement parce qu’on a un handicap. Il n’est pas normal qu’on nous laisse volontairement dans cette situation de dépendance. Depuis les années 1960 en France, les femmes ne dépendent plus de leurs maris pour travailler, ouvrir un compte en banque, passer le permis.