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Jeanne : « Je ne veux pas vivre une triple peine.»

J’ai 24 ans. Je suis une jeune femme autiste allocataire de l’AAH qui vit entre chez son père et sa mère car mes parents sont divorcés. Je suis une jeune diplômée en Master en Histoire des Arts de la Sorbonne. Je recherche donc actuellement un emploi dans le domaine des musées. Je cumule plusieurs handicaps, l’autisme, qui entraîne une discrimination à l’embauche surtout en France et le fait d’avoir choisi une voie, l’histoire des arts qui est un secteur sinistré et ce bien avant la COVID.  J’ai posé un pied à la fac, on m’a dit tout de suite qu’il n’y avait pas de travail. Seulement des petits boulots de vacataire sous-payés sans aucun droit à congés. Il est très dur de trouver des postes de contractuelle ou de fonctionnaire, même si on est valide. Mais comme ces postes de fonctionnaire sont des postes à responsabilité, ils me seront plus difficilement confiés.

La meilleure chose que je puisse obtenir en France, c’est l’AAH en plus de petits boulots ça et là.  Mais seulement si je vis seule. 

Si l’amour parvenait à frapper à ma porte et que j’avais un petit boulot, je ne pourrais toujours pas m’installer avec un homme. En effet, dans ce cas, si je perdais mon petit travail de vacataire, je vivrais aux crochets de mon conjoint, qui aurait probablement un salaire moyen, « trop élevé » pour que je touche l’AAH.

Je n’aurai sans doute pas assez cotisé pour avoir un complément de libre choix d’activité car je n’aurai peut-être pas assez travaillé.  Je pourrais peut-être toucher le RSA, mais il risque d’être supprimé car je serai obligée de refuser des emplois ou les équipes ne voudraient pas s’adapter à mon handicap, ou des emplois ou le permis est obligatoire, ou en province où je n’aurais personne dans ma famille pour m’aider (sauf si on m’accorde une PCH). Donc si j’ai un emploi de vacataire et que je le perds, je ne pourrais plus redemander mon AAH, car les revenus de mon conjoint seront pris en compte.

J’aimerai aussi écrire des livres, faire des vidéos sur YouTube mais si ça marche trop peu ou plus, je me retrouverai de longues années sans revenus. Donc je souhaiterais recevoir l’AAH quoi qu’il arrive si je ne parviens pas à trouver un emploi stable, qui est mon objectif premier.

Je lutte pour un monde du travail accessible aux personnes handicapées, afin de réduire les demandes d’AAH, et pour la déconjugalisation de cette allocation. Je milite pour que l’État cesse de financer des institutions privant les personnes handicapées de libertés et qui coûtent des milliards d’euros au contribuable, ce qui pourrait servir à financer les 560 millions d’euros que coûte la déconjugalisation de l’AAH. Pour que le reste de cet argent serve aussi à financer de plus en plus d’aménagements des entreprises et des logements. Je milite aussi pour que les travailleurs en ESAT puissent se syndiquer et avoir le droit de faire grève et de disposer de leur propre salaire et puissent être redirigés vers le milieu ordinaire avec de bons aménagements. Je voudrais que les personnes autistes aient plus de facilités à accéder à une PCH , afin de payer leur thérapie ou de payer des auxiliaires de vies pour ceux qui ont les problèmes de coordinations les plus grands, dont je fais partie.

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Karine : « Avec mon compagnon nous nous disputons sans arrêt pour ça, on est au bord de la rupture… »

Bonjour, je m’appelle Karine, j’ai 53 ans. Je suis en vie maritale (concubinage) depuis le 1 janvier 1988. Mon concubin a une activité non salariée il est agent immobilier indépendant dans une petite ville depuis le 28 août 2005. Nous avons 2 enfants rattachés à mon dossier CAF, ils sont nés en 02/2000 pour mon fils et en 01/2003 pour ma fille.

J’ai été déclarée inapte au travail et licenciée. J’étais serveuse en restauration traditionnelle. Au bout de 2 ans d’arrêt de travail j’ai été mise en invalidité (cat. 2) depuis le 1 avril 2014, je perçois donc une petite pension de 340.52 € . Je suis reconnue handicapée par la MDPH pour un taux supérieur à 50 % et inférieur à 80 %, depuis 2014 on m’a donc accordé l’AAH. Je n’ai pas droit à la PCH vu que mon taux et inférieur à 80 %. Mon AAH s’élève actuellement à 559.12 € pour cette année vu que les revenus de mon conjoint ont baissés pour l’année 2019 par rapport à 2018 où ils étaient supérieurs au plafond, ce qui à donc entrainé la suppression de mon AAH pour l’année 2020. Aujourd’hui je la re-perçois pour 2021 car les revenus de mon compagnon ont largement baissés et que notre 2ème enfant compte pour le quotient familial vu qu’elle n’a pas encore 20 ans. 

Mme Cluzel a dit que les couples ont 1/2 part supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu mais c’est faux pour ceux qui ne sont pas liés fiscalement ! Même en concubinage on prend en compte les revenus du conjoint alors qu’il n’y a pas les mêmes avantages fiscaux. De plus, comme mon concubin est seul propriétaire de notre habitation il n’a droit à aucune exonération sur les taxes d’habitation et foncières puisque son revenu fiscal de référence est supérieur aux limites. C’est comme si on perdait des deux côtés.

Aujourd’hui je dois demander à mon compagnon si j’ai le droit de dépenser pour acheter telle ou telle chose, il assume pas mal de frais mais il n’a pas un salaire fixe chaque mois vu qu’il est indépendant et on doit faire attention à nos dépenses, nos enfants vivent à la maison et génèrent aussi des dépenses, mais comme ils sont majeurs nous n’avons plus droit à aucune aide de la CAF.

J’en ai marre de devoir demander de l’argent pour mes vêtements, mes loisirs, ou les soins qui me font du bien comme mes séances d’équithérapie ou d’ostéo, qui ne sont pas prises en charge par la sécu.

J’ai pensé fortement à me séparer, mais je ne peux pas vivre autrement que dans une maison individuelle à cause de ma dépression chronique. Je ne supporte pas de vivre en habitation collective, cela me déclenche de vives crises d’angoisse et de panique, et je ne me sens pas en sécurité dans ce genre d’habitat. De plus mes revenus ne me permettraient pas d’acheter une petite maison individuelle et je ne pourrais pas prétendre à un prêt de la banque de toute manière. Je souligne qu’en 2017 la maison de mon compagnon a pris feu, nous avons été relogés en maison jumelée et même là j’étais très mal mentalement. Heureusement nous avons eu la chance de trouver une nouvelle habitation individuelle adaptée aux personnes handicapées, car en plus d’être dépressive, je souffre de douleurs chroniques et de différentes pathologies dégénératives des articulations.

Avec mon compagnon nous nous disputons sans arrêt pour ça, on est au bord de la rupture et si je devais le faire ce serait définitivement. Ma vie ne vaux rien à ce jour et parfois j’ai envie d’en finir une bonne fois pour toute.

Je demande à ce que la loi sur la désolidarisation des revenus des conjoints passe à l’assemblé pour la raison suivante : je veux mon indépendance financière et retrouver de la sérénité.

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Sonia : « Depuis presque 4 ans, je ne touche plus que 590 euros car mon mari touche apparemment trop »

Je m’appelle Sonia, je suis porteuse d’une maladie génétique rare et héréditaire nommée le syndrome de Marfan. Elle est très invalidante puisqu’à seulement 45 ans,  j’ai déjà subi 2 opérations à coeur ouvert et 11 opérations des yeux ! Ma maman m’a donné ce cadeau empoisonné bien malgré elle et j’ai donc dû grandir avec la peur de ce qui allait bien pouvoir m’arriver et surtout cette peur de mourir qui ne me quitte jamais !

L’école pour moi n’a jamais été un long fleuve tranquille car ma maladie me mettait sans cesse des bâtons dans les roues et j’avoue que ça été très dur ! J’ai grandi avec deux plus jeunes sœurs qui n’ont pas cette maladie mais qui sont là à chaque fois que j’ai besoin d’elles et qui me boostent quand j’ai le moral qui flanche.

Je suis mariée depuis presque 25 ans avec Fabrice et il y a  Pierre, notre rayon de soleil  qui va sur ses 24 ans. Il est né malgré les mises en garde et refus des docteurs soucieux pour les conséquences sur ma santé mais je ne regrette absolument rien, il est une des plus belles choses qui me soient arrivées, ce n’est pas le sujet mais je tenais à le souligner  !

Je suis invalide à  80  % et je touche l’AAH à vie. Tant que notre fils avait moins de 20 ans, il était considéré à notre charge et donc je touchais mon AAH à taux plein mais après ses 20 ans cela a changé la donne. Depuis presque 4 ans,  je ne touche plus que 590 euros car mon mari  touche apparemment trop… 1700 € ! Pire, je toucherais 0 € si on ne déclarait pas ses frais réels plus avantageux pour nous !

Ils appellent ça la solidarité familiale… moi j’appelle ça de l’injustice ! On n’a pas choisi ce qui nous arrive… personne ne voudrait notre place… Notre handicap, nous le vivons tous les jours et personne ne peut comprendre ce que nous vivons au quotidien.

Est-ce que vous accepteriez que l’on dise à quelqu’un  qui arrive à sa retraite qu’en fait il ne touchera rien car son conjoint, toujours actif,  a 1700 € de salaire ! Personne n’accepterait cela, alors pourquoi nous nous devrions rester sans rien dire ?

Je redoute chaque augmentation qu’a mon mari car à chaque fois je sais que moi du coup mon AAH chute et il ne peut pourtant pas les refuser car c’est ce qui lui fait sa retraite. Sa demi-prime de Noël n’est finalement pas un cadeau non plus car à la sortie je paie les pots cassés !

J’en appelle au bon sens des députés qui vont devoir voter cette loi, je leur demande de se mettre à notre place car le handicap peut aussi un jour frapper à leur porte ! Je leur demande un peu d’humanité…

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Anne : « Je voudrais témoigner en tant que conjointe »

Mon mari perçoit l’AAH depuis plusieurs années et son handicap n’est pas réversible. Je perçois de petits revenus. C’est-à-dire généralement moins que le SMIC mensuel temps complet.

Notre stress, au-delà du fait de vivre en dessous du seuil de pauvreté français, c’est qu’à la moindre variation de mes revenus, nous perdons de notre revenu global.

Depuis des années, je refuse des opportunités de travail et d’évolution dans ma carrière, car le salaire proposé même s’il est intéressant, ne suffirait pas à compenser la perte d’AAH et d’allocation logement de mon mari.

En gros, je ne peux prendre aucun risque qui nous ferait perdre ne serait-ce que 50 € ou 100€ sur un revenu mensuel global d’un budget plus que serré. En plus de cela, depuis des années, je n’ai droit à aucune aide par ailleurs. Pas de prime d’activité pour moi, pas d’allocation logement, rien. Je gagne moins que le SMIC mensuel, mais vu que mon mari perçoit l’AAH, je n’ai droit à aucune prime d’activité depuis sa création.

En plus depuis janvier 2021, l’AAH et les allocations logements de mon mari ont baissé.

Le calcul était censé être à l’avantage des bénéficiaires mais il n’en est rien.

De mon côté, je veux bien travailler plus mais la moindre variation de salaire pour moi nous coûte plus qu’elle ne nous rapporte.

Et le calcul de l’AAH et des allocation logements est tellement obscure qu’il est quasi impossible de prévoir et de calculer par nous-même.

Donc en résumé, ma carrière est en sourdine, je n’ai pas droit à la prime d’activité qui devrait en moyenne être de 300€ mensuel pour moi, je n’ai pas droit à une aide au logement et il m’est impossible de connaitre à l’avance l’incidence précise de mon activité sur les aides de mon mari.

Donc concrètement aimer et vivre avec mon mari me coûte cher, très cher même. Est-ce que c’est une source de stress ? Oui, pour nous deux. Évidemment on a pensé à divorcer. Mais c’est hors de question. Autrement ça voudrait dire qu’ils ont gagné, or il n’y a jamais rien à gagner à renier ceux que l’on aime.