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« Mon plan de carrière est en pause à cause de cette conjugalisation…»

En 2003, je fais la rencontre via internet de celle qui deviendra mon épouse, elle est atteinte d’ostéogenèse imparfaite et est donc à ce titre, handicapée à plus de 90% et le restera à vie.

 Je suis Belge, elle est Française et nous vivons pendant plusieurs années une vie de couple à distance, avec des moments de retrouvailles plus ou moins long. En 2010, arrive la naissance de notre fille qui, pour chance, n’est pas atteinte du handicap de mon épouse. Nous continuerons de vivre à distance pendant 4 ans. Vu que cela devient de plus en plus compliqué, nous décidons en 2014 que je quitterai mon pays et que je viendrai m’installer en France avec elle. 

 C’est là que les problèmes ont commencé. 

Rapidement, des problèmes familiaux entre ses parents et moi font que mon épouse fait un épisode de dépression et se trompe dans le formulaire de changement de situation adressé à la CAF en datant notre installation ensemble à 6 mois en arrière. 

La CAF nous tombe bien évidemment dessus, coupant immédiatement toutes prestations et réclamant les avis d’impositions N-2 et tout le tralala habituel sauf que pas de chance, il s’agit d’avis d’imposition belge et que la CAF n’y comprend rien…

Ils décident donc d’utiliser mon revenu brut afin d’effectuer le calcul. Et là, le couperet tombe, AAH a 0€ et indu à rembourser de 2000€, nous sommes dévastés, nos projets sont anéantis. La procédure durera plusieurs mois, durant lesquels nous habiterons à trois dans un studio de 23m², faute de pouvoir se payer plus. Durant la procédure, la CAF ne veut RIEN entendre malgré les diverses preuves apportées,  par exemple à la date indiquée par mon épouse, je ne résidais pas en France ou le fait que le traitement pris par mon épouse suite à sa dépression provoque une confusion des idées…Jamais nous n’avons été reçus, malgré nos sollicitations.La commission de recours amiable nous est refusée, sans aucun argumentaire autre que « c’est comme ça, c’est les règles ».

Le défenseur des droits, traitera notre dossier avec dédain. Un avocat sera même pris afin de contester la décision en justice, mais celui-ci nous fera faire n’importe quoi, amenant à une reconnaissance de dette, notre sort est donc scellé et un échelonnement de la créance est mis en place par la CAF.
Recevoir un courrier avec le logo de la CAF nous angoissait, mon épouse a d’ailleurs durant cette période refait des épisodes dépressifs, avec hospitalisations à la clef. Nous passerons presque deux ans dans ce studio de 23m² afin de rembourser la créance. 

A l’heure actuelle, mon épouse a récupéré son AAH à taux plein mais au prix de plusieurs concessions et grâce à l’abattement amené par notre enfant.


Afin de faire baisser mon revenu fiscal, je suis contraint de travailler à 40km de notre domicile afin d’avoir des frais réels conséquents, ainsi que de refuser toutes heures supplémentaires.
Mon plan de carrière est en pause à cause de cette conjugalisation des revenus, heureusement mon employeur est compréhensif.
Mais que va-t-il advenir lorsque notre fille quittera le foyer ou si elle gagne sa vie en restant chez nous ?
Je crains le pire malheureusement.

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Sophie : «Nous sommes condamnés à vivre au jour le jour»

J’ai 44 ans et j’ai un taux d’invalidité à 80%. Je souffre d’une maladie orpheline appelée myosite ossifiante progressive musculaire. Pour me déplacer j’ai un fauteuil roulant. Je vie en couple depuis 17 ans. Mon mari est ambulancier et son salaire joue beaucoup sur mon AAH du fait de ses heures supplémentaire. Avant que nous nous mettions en ménage, j’habitais chez mes parents et percevais 600€.

Mon compagnon (divorcé et une pension alimentaire pour son fils) était alors cadre dans son entreprise et touchait un salaire confortable mais en rapport avec les heures qu’il effectuait. Nous n’étions ni mariés, ni pacsés. Quand nous avons décidé de nous installer ensemble, nous avons signalé mon changement d’adresse et de situation familiale. Je m’attendais bien évidemment à une baisse de mes revenus mais pas à ce point là. Ma première alerte a été une lettre recommandée de ma mutuelle santé pour me dire que mon prélèvement n’était pas passé.

J’ai eu la surprise de constater qu’au lieu des 600€ mensuels habituels, mon allocation était tombée à 64€ ! Oui, oui, vous lisez bien ! Et tout ça sans aucun courrier préalable pour vous avertir. 

Je ne pouvais plus payer ma part de courses, mes factures, les médicaments non remboursés (entre autres ceux pour mes yeux touchés par ma pathologie et pourtant une partie du traitement n’est pas remboursée). Du coup je devais faire des choix pour ne pas dépendre entièrement de mon ami et parfois au détriment de ma santé.

Depuis que nous sommes ensemble ça a toujours été compliqué. Mon mari doit gérer ses heures pour ne pas avoir un salaire trop élevé pour ne pas me pénaliser. Dans le même temps cela nous empêche de cumuler un « bas de laine » pour faire face à d’éventuels imprévus. En clair, nous sommes condamnés à vivre au jour le jour.

Cette situation agit non seulement sur notre qualité de vie mais aussi au sein même de notre couple. Parfois quand la tension est trop forte, je me demande ce qui adviendrait de moi si on en arrivait à se séparer.

En 2019 nous avons hélas dû faire face à un de ces imprévus. Mon mari est tombé malade et est resté arrêté cinq mois et demi. Plus le temps passait et plus les indemnités diminuaient, mais pas les charges. Nous avions commencé à prévenir notre propriétaire d’éventuelles difficultés pour payer notre loyer. Fort heureusement cette personne est très compréhensive et nous a dit de faire comme on pouvait et que l’on régulariserait plus tard.

Nous avons pris contact avec une assistante sociale pour pouvoir nous donner un peu d’air et permettre à mon mari d’être réellement remis pour reprendre son travail. Le rendez-vous c’est soldé par un « désolé on ne peut rien pour vous ». Nous nous sommes alors tournés vers un crédit à la consommation et mon mari a repris son travail plus tôt qu’il n’aurait fallu. A ce jour nous continuons à payer ce crédit en espérant ne pas à avoir à faire face à un autre gros problème.Quand nous avons un projet, ne serait-ce que partir en vacances, nous devons le budgétiser en économisant sur autre chose. 

Si la personne handicapée n’a pas ou peu d’allocation, elle doit demander de l’argent ou justifier ses dépenses sur le compte familial et même oublier la possibilité de faire une surprise à son conjoint.
Pour notre propre situation, mon mari a un projet professionnel mais, il doit le brider afin de ne pas dépasser le sacro-saint plafond et, de part le fait, se retrouver dans une situation financière plus difficile en gagnant davantage d’argent. Un paradoxe s’il en est !

Il est plus que temps que nos dirigeants prennent pleine conscience de la vie des personnes en situation de handicape. Déjà, une bonne partie de la société se charge de nous le renvoyer au visage . Cette allocation est là pour pouvoir soit disant vivre dignement.

Pouvez vous me rappeler le montant du seuil de pauvreté ? Pour une personne seule il est de 1228€ mensuel et de 1550€ pour un couple (chiffres 2020). L’AAH à taux plein pour une personne seule s’élève à 902,70€.

Que doit on en déduire ? Pourquoi indexer cette allocation sur le salaire du deuxième membre du couple ? Ce montant dépend bien de notre invalidité ? Est-ce qu’elle diminue quand le salaire du conjoint augmente ? Personnellement je ne m’en suis jamais rendue compte.

En ce qui me concerne, j’ai déjà beaucoup de mal à non seulement accepter mon handicap, mais aussi qu’il évolue. Alors oui, oui, oui je demande à ce que l’on désolidarise le revenu du conjoint de l’AAH de la personne handicapée.

J’interpelle Madame Sophie Cluzel.

Cette allocation est censée nous permettre de vivre dignement. Actuellement elle nous permet au mieux de survivre en oubliant tout espoir de pouvoir améliorer sa situation. Pourquoi nous condamner de la sorte ? Une personne en situation de handicape n’a-t-elle pas le droit d’aspirer au bonheur ?

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Valérie : « Pourquoi cette « solidarité familiale » nous entraine vers la pauvreté ? »

Depuis 2010, je suis reconnue handicapée à 80 % . Je suis mariée depuis 2001. Mon AAH a donc été réduite dès le début. Ma fille qui est aussi porteuse de handicap a eu 20 ans cette année, et aujourd’hui je perds encore 700 € de mon AAH !  Ma fille étant handicapée, elle vit donc bien encore à notre charge, contrairement au mode de calcul de la CAF ! Elle ne touche pas d’AAH.

Les temps sont vraiment difficiles, nous sommes 4 à vivre sur le seul salaire de mon mari qui est aussi mon aide au quotidien, comme un auxiliaire de vie. Il prend soin de nos deux enfants aussi.

Aujourd’hui nous avons du mal à joindre les deux bouts, notre loyer est de 750 € .

Nous allons devoir nous endetter pour pouvoir vivre ! C’est trop dur, les pleurs sont là, je ne le cache pas. Pourquoi cette « solidarité familiale » nous entraine vers la pauvreté ?

Je n’ai pas demandé à ne pas pouvoir travailler, mon état de santé est indépendant de ma volonté, de celle de ma famille. J’espère que le gouvernement va sérieusement se pencher sur notre cas, le cas de milliers de foyers devenus précaires.

Je suis en colère contre cette injustice !