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Marie : « Mon handicap est individuel, alors pourquoi l’allocation ne l’est pas ? »

Âgée de 54 ans, je suis atteinte de polyarthrite psoriasique depuis une trentaine d’année. J’ai travaillé en m’adaptant et en diminuant peu à peu mon temps de travail. J’ai finalement renoncé, et j’ai cessé mon activité à cause de ma maladie qui progresse.

On m’a donc attribué l’AAH, mais je ne peux pas en bénéficier, je suis mariée et mon époux travaille ! Je ne comprends pas cette injustice, je ne comprends pas qu’il faille prendre en compte son salaire !

Je ne comprends pas : mon handicap est individuel, alors pourquoi l’allocation ne l’est pas ? Je ne comprends pas qu’il faille choisir de ne pas mener une vie de couple lorsque on est en situation de handicap. Pourquoi aucune solution ? Pourquoi sommes-nous les oubliés, livrés à nous-mêmes ? 

Je me sens totalement abandonnée, inutile, déprimée, vulnérable, si seule. Je subis la maladie tous les jours, toutes les nuits, je perds jour après jour de la mobilité. Mon mari est le seul à m’aider dans la vie quotidienne et maintenant, il doit prendre en charge toutes les dépenses du foyer. Je dois établir un budget strict, je m’angoisse, j’ai peur que l’on n’arrive pas à boucler la fin du mois, je m’inquiète…

Et si une dépense imprévue survenait ?

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Alexia : « Je veux pouvoir vivre avec le père de mon enfant !»

Aujourd’hui je vous ouvre mon cœur , je n’ai jamais témoigné jusque là. Je suis une personne handicapée et ça n’a jamais été facile, mon physique ne le montre pas forcément. Il n’y a que quand on commence à discuter avec moi qu’on se rend compte qu’il y a quelque chose… 
J’ai plusieurs handicaps, ça n’a jamais été facile pour moi d’être différente. J’en souffre au quotidien. J’ai des douleurs régulières,  il est très rare que j’aille bien.  Je n’avais jamais spécialement pensé à me mettre en couple, ma vie me suffisait.

Mais il y a quelques mois, je suis tombée enceinte, et là tout a changé !

Je me suis rendue compte qu’en m’installant avec Monsieur, j’allais perdre pratiquement toute mon AAH. Je veux pouvoir vivre avec le père de mon enfant !  C’est prévu qu’ à la naissance du bébé on s’installe ensemble. Mais j’ai vraiment peur du futur ! Monsieur est endetté et s’en sort vraiment de justesse.Ce sera son salaire qui sera pris en compte, et pas ce qu’il lui reste réellement après avoir payer tout ce qu’il doit ! Et moi j’y perds énormément ! A 3, ça sera très très dur !  On aura très peu pour vivre, je ne sais même pas si notre couple pourra tenir avec aussi peu pour vivre avec un enfant ! Il y a une part de lui qui est embêté par ma situation,  et je sais qu’il  préférerait  avoir une femme en bonne santé et qui travaille !

Déjà qu’au quotidien, je ne suis pas facile à vivre à cause de mes handicaps, en plus il y a ce souci d’ AAH supprimée si on a le malheur de se mettre en couple ! J’ai honte, je souffre … Oui j’ai déjà pensé à quitter ce monde car j’ai l’impression d’être un boulet ! 

J’ai énormément de peine quand je vois comme les personnes handicapées sont traitées. Il faut que les lois changent ! Un peu de solidarité avec les personnes malades !  Par pitié, notre AAH ce n’est pas grand chose, laissez nous la ! 
Trouver l’amour n’est pas facile pour une personne handicapée. Ce n’est  pas tout le monde qui  veut quelqu’un de malade à ses côtés, tout le monde n’a les épaules pour et en plus, on nous coupe les vivres ! Notre destin est il de mourir seul(e) ?  

Mon Dieu, par pitié, arrêtez de comparer l’AAH avec le RSA ! C’est sincèrement douloureux pour les personnes handicapées cette comparaison ! Le RSA n’est pas une aide donnée juste durant le temps de retrouver du travail ? Pourquoi est-ce à chaque fois comparé avec nous, personnes malades ?! J’ai mal au cœur, j’espère que nous serons entendus …

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Sylvain : « J’ai l’impression d’entraîner de force toute ma famille dans une déchéance sociale. »

J’ai 44 ans. Je suis marié et j’ai trois enfants. J’ai appris récemment que toutes les difficultés que j’avais rencontrées jusqu’à présent étaient liées à un handicap dit invisible diagnostiqué il y a peu. Ce diagnostic, c’est l’autisme de type Asperger et j’ai transmis ceci à mes enfants.


Je travaillais comme aide-soignant titulaire de fonction publique hospitalière depuis 18 ans. Suite à un burn-out sévère, tout s’est écroulé et malgré plusieurs tentatives de reclassement  !  Je sais aujourd’hui que je n’ai plus d’avenir dans ce domaine.

Mon dossier à la MDPH est en cours de traitement et rien ne me dit que l’on acceptera de m’accorder quoique ce soit.
Mon épouse travaille à temps partiel. Je sais que l’AAH que j’ai demandée sera calculée en fonction de ses ressources à elle.

J’ai travaillé dur en cherchant à m’adapter toute ma vie et à travailler. Si je demande ces aides,  ce n’est ni la charité, ni une volonté de profit sur la société. C’est juste que j’ai atteint mes limites d’adaptation.

Nous avons enfin trouvé la maison qui pourra recevoir mes enfants également neuro-atypiques et nous avons peur de tout perdre.
Je suis pour que l’on ne calcule plus l’AAH en fonction du salaire du conjoint. C’est très humiliant.

Et j’ai la sensation que les personnes handicapées n’ont ni le droit à l’amour, ni le droit de s’épanouir, ni le droit à vivre dignement.

Comme si être handicapé, alors que l’on n’a jamais demandé à être ainsi, ne suffisait pas. C’est comme si l’on nous punissait d’être ce que nous sommes et que nous ne méritions que la pauvreté et une vie sans liberté d’être aimé et d’aimer.
J’ai très peur de ce qui pourra nous arriver. Personne, même pas les assistantes sociales, ne peut nous dire ce qu’il adviendra de moi, de nous. J’ai l’impression d’entraîner de force toute ma famille dans une déchéance sociale.
Je vis une dépersonnalisation sociale. Je n’existe plus, je n’ai plus aucune utilité. Et c’est comme si on n’accordait plus la moindre importance à toute personne en situation de handicap.

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Marie : « Nous avons décidé de vivre ensemble sans tomber dans la dépendance.»

J’ai la vingtaine. Je ne souhaite pas parler de mon handicap, mais sachez que je suis reconnue à 80%, je touche l’AAH. Je suis accompagnée dans ma vie de tous les jours par un chien d’assistance et je ne peux pas conduire. Comme beaucoup de jeunes filles de mon âge, j’ai eu quelques aventures, qui se sont terminées plus ou moins bien. Le handicap y est pour beaucoup. Ce n’est pas évident pour le partenaire (et pour son entourage !) de faire ménage à trois avec cet invité pas vraiment désirable.

Fin 2019, j’ai rencontré quelqu’un avec qui tout se passait bien, quelqu’un qui était prêt à se mettre en couple avec moi malgré ma différence. Nous sommes tombés amoureux et nous nous voyions tous les soirs. Nous faisions garde alternée : une nuit chez lui, une nuit chez moi !

Puis, le Covid est arrivé. Nous ne nous sommes pas vus pendant plus de deux mois, comme beaucoup de couples. Le confinement a précipité nos projets et nous avons décidé d’habiter ensemble. En ajoutant le loyer que nous payions chacun de notre côté, nous pouvions avoir une petite maison avec jardin en centre-ville. L’idéal pour nous et pour mon chien. Qui ne l’aurait pas fait à notre place ?
Mais tous les contes de fées ne se passent pas comme prévu. À ce moment-là, je me rends compte que si on habite ensemble, sans être ni pacsé ni marié, je perds plus des trois quarts de mon AAH.

Mon tort ? Être tombée amoureuse d’un ingénieur, qui travaille et qui gagne sa vie.

Cela a été très difficile à admettre pour moi qui ait toujours mis un point d’honneur à être le plus indépendante possible. Avec mon AAH et mes APL, soit un peu plus de 1100€ par mois, certains mois étaient difficiles mais je m’en sortais. J’arrivais même à mettre un peu d’argent de côté. Mais avec le petit pécule que cette loi absurde m’autorise à avoir, soit environ 200€, comment vivre décemment ?

Là où mon témoignage diffère, c’est que, malgré tout, nous avons décidé de vivre ensemble sans tomber dans la dépendance.

Nous nous faisons passer pour de très bons amis en colocation. Nous avons donc déménagé depuis quelques mois dans une petite maison, avec jardin et surtout avec deux chambres, deux lits faits, deux penderies, deux gobelets à dents, deux gels douches différents, et absolument rien d’autre en commun que notre contrat de colocation.

J’ai gardé mon AAH complète. Mais nous nions notre couple. Et nous vivons dans la peur. La peur du contrôle de la CAF qui ferait voler en éclat ce frêle bonheur.

Je pensais que tout se passerait bien. Mais non. Ça va mal. Je vais mal. J’ai l’impression de vivre comme une délinquante, d’être en cavale. Seulement nos familles et nos amis proches sont au courant que nous sommes en couple. Pour les autres, c’est « Je vous présente mon colocataire ». Nous passons notre temps à nous cacher. On ne se tient pas la main dans la rue. Nous n’avons aucune photo ensemble sur les réseaux sociaux, ni même dans nos téléphones. Pas de mots doux par messages, ça pourrait jouer contre nous. Le volet de notre fenêtre donnant sur la rue est quasiment toujours fermé, et je tremble de peur dès que quelqu’un qui n’est pas attendu sonne à la porte.

Cette situation ronge peu à peu notre couple. Des fois, nous avons réellement l’impression d’être davantage de très bons amis en colocation qu’un couple.

Ça grignote notre intimité. Ça grignote aussi ma confiance en moi. Je me sens nulle, moins que rien, inutile.

Mon cerveau me persuade que je suis une mauvaise personne. Je ne suis pas heureuse, alors que je n’étais pas comme ça avant. J’étais le genre de fille qui a une joie de vivre communicative, et de très nombreux projets. Je ne suis plus rien maintenant. Je ne me sens pas libre.

Je sais que mon témoignage est relativement long mais j’avais besoin de m’exprimer. J’espère que la loi va enfin passer. Il n’est pas normal, de nos jours, de ne pas être l’égal de son conjoint simplement parce qu’on a un handicap. Il n’est pas normal qu’on nous laisse volontairement dans cette situation de dépendance. Depuis les années 1960 en France, les femmes ne dépendent plus de leurs maris pour travailler, ouvrir un compte en banque, passer le permis.

Moi aussi, je rêve d’indépendance et de liberté. Je rêve d’avoir le droit de choisir si je souhaite me marier ou ne pas me marier, sans que l’argent ni le handicap soient des conditions.