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Anne : « Cette allocation qui me permet de survivre est aussi celle qui me fait mourir de tristesse et de solitude à petit feu »

J’ai 28 ans et je suis amoureuse. Amoureuse et aimée en retour. Malgré la maladie qui me ronge petit à petit. C’est une myopathie, mon corps entier est atteint. J’ai également été atteinte d’un cancer à l’adolescence. Je suis handicapée à plus de 80%.

Je suis amoureuse mais je touche l’AAH. Et aujourd’hui cette même allocation qui me permet de survivre est aussi celle qui me fait mourir de tristesse et de solitude à petit feu. L’homme de ma vie touche 1700 € nets tous les mois, il a changé de travail pour passer plus de temps avec moi et pour me soutenir au quotidien. Nous ne nous voyons que les week-ends et parfois en semaine depuis 3 ans.

Ma valise n’est jamais posée. C’est comme un amour interdit, clandestin, et pourtant, il me demande de devenir sa femme.

J’ai répondu OUI et NON. Les larmes aux yeux, larmes sucrées de bonheur, larmes salées de malheur.

Car voyez-vous, par le passé, j’ai atrocement souffert d’une autre relation, avec une AAH diminuée, me privant d’amour propre, de liberté et de dignité. Mais comme cela ne suffisait pas en plus de la maladie, j’ai souffert de maltraitance, violences psychologiques ! Humiliée, manipulée, insultée par une famille entière. Je suis marquée à vie.

Aujourd’hui je ne veux pas être une charge pour l’homme de ma vie, il n’a pas à devoir m’acheter des protections hygiéniques, des vêtements, des chaussures, du matériel de confort médical, le crédit de mon auto adaptée.

Je vis chez mes parents, non, je vis dans ma chambre chez mes parents. Je ne supporte pas la solitude.

Le temps passe, mon autonomie physique s’amenuise, je rêve de pouvoir danser un jour en robe de mariée, dans les bras de mon aimé.

Si l’AAH n’est pas prochainement déconjugalisée des revenus du conjoint, je ne sais plus quoi faire de ma vie. Aimer sans vivre l’amour, c’est trop dur. Vivre sans aimer et être aimé, à quoi bon ?

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Marie : « Une vie bloquée sur pause »

Je touche l’AAH depuis 2008, après avoir été reconnue handicapée à plus de 80% par la MDPH à la suite d’un grave accident de voiture. Je ne peux plus travailler qu’un quart de temps, je suis donc bien consciente de la chance que j’ai d’être en France et de pouvoir bénéficier de cette aide sans laquelle je ne pourrais pas vivre.
Mais au niveau vie sentimentale c’est une autre histoire :

Je n’ai jamais pu m’installer officiellement avec un homme puisqu’à partir du moment où je vivrais sous le même toit qu’une personne du sexe
opposé gagnant 1800€ nets par mois, la CAF considérerait que c’est à cette personne de subvenir à mes besoins.

Pratique pour débuter une relation ! Tu m’aimes ? Tu es capable de voir au-delà de mon handicap et de vivre avec ? Ok, je vais vivre à tes crochets alors ! Adieu à ma dignité…

À 37 ans je n’ai donc toujours pas construit de foyer par peur de devenir complètement dépendante de mon conjoint. Je me sentirais redevable de cette personne et notre relation ne serait ni équilibrée ni heureuse.

Il est déjà difficile d’accepter d’avoir un handicap mais quand la société nous rappelle quasi-quotidiennement qu’on n’est finalement qu’un poids, c’est mission impossible. Bonne chance pour trouver le bonheur et avoir un minimum d’estime de soi !

Je rêve que l’AAH soit enfin déconjugalisée !

Depuis que j’en dépends, j’ai l’impression que ma vie a été mise sur pause : je ne peux pas construire de famille, je ne peux pas avancer « normalement » avec un partenaire. Alors que les années, elles, défilent !

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Anne : « Je voudrais témoigner en tant que conjointe »

Mon mari perçoit l’AAH depuis plusieurs années et son handicap n’est pas réversible. Je perçois de petits revenus. C’est-à-dire généralement moins que le SMIC mensuel temps complet.

Notre stress, au-delà du fait de vivre en dessous du seuil de pauvreté français, c’est qu’à la moindre variation de mes revenus, nous perdons de notre revenu global.

Depuis des années, je refuse des opportunités de travail et d’évolution dans ma carrière, car le salaire proposé même s’il est intéressant, ne suffirait pas à compenser la perte d’AAH et d’allocation logement de mon mari.

En gros, je ne peux prendre aucun risque qui nous ferait perdre ne serait-ce que 50 € ou 100€ sur un revenu mensuel global d’un budget plus que serré. En plus de cela, depuis des années, je n’ai droit à aucune aide par ailleurs. Pas de prime d’activité pour moi, pas d’allocation logement, rien. Je gagne moins que le SMIC mensuel, mais vu que mon mari perçoit l’AAH, je n’ai droit à aucune prime d’activité depuis sa création.

En plus depuis janvier 2021, l’AAH et les allocations logements de mon mari ont baissé.

Le calcul était censé être à l’avantage des bénéficiaires mais il n’en est rien.

De mon côté, je veux bien travailler plus mais la moindre variation de salaire pour moi nous coûte plus qu’elle ne nous rapporte.

Et le calcul de l’AAH et des allocation logements est tellement obscure qu’il est quasi impossible de prévoir et de calculer par nous-même.

Donc en résumé, ma carrière est en sourdine, je n’ai pas droit à la prime d’activité qui devrait en moyenne être de 300€ mensuel pour moi, je n’ai pas droit à une aide au logement et il m’est impossible de connaitre à l’avance l’incidence précise de mon activité sur les aides de mon mari.

Donc concrètement aimer et vivre avec mon mari me coûte cher, très cher même. Est-ce que c’est une source de stress ? Oui, pour nous deux. Évidemment on a pensé à divorcer. Mais c’est hors de question. Autrement ça voudrait dire qu’ils ont gagné, or il n’y a jamais rien à gagner à renier ceux que l’on aime. 

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Carole : « Renoncer à l’amour pour continuer à élever ses enfants »

Je suis comme ils disent : une handicapée invisible. Ma fille de 19 ans est mon aidante quand elle n’est pas à son service civique. Deux fois par semaine, une personne vient pour aider au ménage. J’ai aussi un fils de 12 ans, en situation de handicap, qui est scolarisé en classe ULIS. La semaine, mon fils vit en famille d’accueil, et le week-end avec moi. Aujourd’hui, l’homme avec qui j’aimerais partager ma vie vit à 600 km de chez moi. Je renonce à vivre en couple avec lui car je ne toucherai plus d’AAH et d’AEH pour mon fils, ainsi que les pensions alimentaires pour mes enfants données par la CAF.

Je refuse donc de vivre avec lui pour ne pas avoir à quémander telle une mendiante de l’argent pour continuer d’élever mes enfants.

Souffrant de cette injustice, j’aimerai pourtant vivre l’amour ! Dieu sait que j’aurais besoin de quelqu’un au quotidien.

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Martine : « Je ne veux pas que ma fille handicapée vive la même dépendance que moi »

Bonjour, je m’appelle Martine. J’ai 59 ans, je suis reconnue travailleur handicapé entre 50 et 80 %. Je suis éligible à l’AAH, mais, mariée, mon mari a une retraire de 2300 euros donc je ne touche absolument rien. Sachant que si l’on regarde bien cela fait 1150 euros chacun en divisant par deux sa retraite, donc même pas un SMIC. Mais je ne peux pas calculer comme ça, car cet argent c’est le sien et pas le mien. Il doit donc m’entretenir et subvenir à mes besoins qui ne sont pas forcément les mêmes pour lui et moi.

Je n’ai pas la possibilité d’être indépendante et autonome dans ma vie et je me sens comme les femmes des années 50 et 60 qui n’avaient aucun droit sans leurs maris !

Il y a certainement des gens que ça ne gêne pas. Pour moi c’est une souffrance. Je me sens prisonnière de mes maladies et de mon handicap et prisonnière de ma dépendance financière, double peine.

Faute d’avoir mon propre argent je n’ai qu’un forfait téléphone à 2 euros et une carte de retrait seulement à ma banque, pas de carte de payement par dignité de ne pas demander. J’ai tout pris au moins cher, voilà ce que ça donne d’être dépendante. Demander pour ci, demander pour ça, je ne supporte pas et je préfère ne pas demander c’est pour moi une fierté et une liberté. Heureusement que je ne suis pas une femme battue ou soumise, elles doivent vivre un calvaire encore plus que moi.

J’ai commencé à travailler à 16 ans après mon BEPC dans la boulangerie familiale, mon parcours de travail s’est achevé par la naissance de mes trois enfants et je n’ai donc pas assez de trimestres pour prétendre à la retraite anticipée. Si je pouvais travailler comme avant, je ne demande que ça et donne volontiers mon handicap. Je suis courageuse. J’ai fait des ménages et j’ai été ASH en maison de retraite, des métiers physiques qui ont été le déclenchement d’une opération de hernie discale, fibromyalgie, centre anti-douleur, opération du cœur il y a trois ans et je suis encore sous traitement, hypertension, et les médocs qui me détruisent les intestins.

J’ai tenté de reprendre le travail à temps plein après mes opérations du dos, mais c’était impossible. Je n’ai pas d’autre choix que d’avoir l’AAH.

Ma dernière fille est elle aussi handicapée, une maladie de naissance génétique et orpheline. Assumer le handicap de son enfant est un parcours qui n’est pas du tout facile : la paperasse, les RDV médicaux, quand on espère enfin trouver le bon médecin et on doit répéter les mêmes choses des centaines de fois avec son enfant à ses côtés, qui aussi les vit et revit ces moments. La mise en place des besoins spéciaux à l’école, et l’administration… la bataille avec la MDPH quand l’enfant passe à l’âge adulte et comme si cela faisait disparaître sa maladie… une hérésie… une bataille de tous les jours.

Finalement ma fille travaille en tant qu’handicapée, avec des adaptations, elle vit seule et la réflexion de sa vie amoureuse et de couple est marquée par cette non individualisation de l’AAH.

Je me bats donc aussi pour elle et toutes et tous ces jeunes qui j’espère verront les choses changer dès maintenant !