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Témoignage écrit

«Nous avons donc choisi, à la trentaine, de vivre notre amour comme deux adolescents… »

Je suis un homme de 31 ans, en couple depuis bientôt 4 ans avec une personne de 28 ans bénéficiaire de l’AAH atteinte d’une myopathie.

Nous vivons notre amour de manière singulière,

et ce, même en occultant le handicap de ma compagne, j’aime dire que nous sommes des originaux ou mieux des marginaux. Ne pouvant pas travailler à cause de sa maladie,

elle est contrainte de vivre chez ses parents,

non pas qu’ils soient mauvais, loin de là, je les adore.

Mais cette contrainte est bien présente en raison de la privation de liberté de pouvoir choisir de vivre avec moi. Pourquoi ? Parce que l’aide appelée AAH est solidaire des revenus de tout conjoint éventuel ou même de la famille.

Le handicap est individuel mais l’allocation associée est solidaire, totalement fou.

Il paraît que je gagne trop bien ma vie ! Je ne pensais pas le dire un jour avec autant de tristesse mais mon salaire est trop élevé pour que ma chérie conserve son AAH. En effet, selon les dires, en France, lorsque vous percevez environ 1700 euros de salaire, vous ne pouvez pas prétendre à une vie normale avec une personne que vous aimez, du moment que celle-ci perçoit l’AAH. Ces mêmes 1700 euros seraient le seul et unique revenu de notre foyer, privant de nouveau la femme que j’aime de la liberté de choisir d’être indépendante.

Je ne veux pas la faire souffrir et nous avons donc choisi, à la trentaine, de vivre notre amour comme deux adolescents…

Les weekends, lorsque c’est possible, elle fait sa valise et me rejoint dans mon petit T2. Nous passons un bon moment et le dimanche soir, elle retourne vivre dans sa chambre de 12 m², oui 12m², est-ce épanouissant de vivre seule la journée et de n’avoir comme intimité qu’une simple pièce ? Je ne crois pas.

Nous aimerions construire notre futur et évoquer des projets, mais le couperet tombe à chaque fois qu’une « union » quelle qu’elle soit doit exister car au-delà de l’amour, c’est tout un confort de vie qui disparaîtrait et il n’en est pas question.

J’appelle le gouvernement français à comprendre un peu plus ce que vivent des milliers de couples comme le nôtre, qui n’osent pas franchir le pas à cause d’un revenu conditionné, un pays qui prône la Liberté, l’Égalité et la Fraternité doit tenir compte du

SOS général lancé par toute cette population qui ne demande qu’à vivre comme les autres et à pouvoir aimer comme les autres.

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Témoignage écrit

Irma : «Mon droit à l’AAH n’existe que sur le papier.»

La dépendance heureuse.  Ah, mais tu es heureuse, alors, tout va bien, c’est l’essentiel …
À 51 ans, atteinte de Polyarthrite Rhumatoïde depuis l’âge de 14 ans, je ne me souviens plus du tout de ce que c’est de passer 24h sans douleur. Je ne vais pas dire que cette maladie m’a tout pris, car ce serait mentir, mais c’est certain, elle m’a volé mes rêves de jeunesse : rêve d’études, rêve de travail, rêve de maternité et surtout rêve d’indépendance.

Malgré la maladie, je rencontre l’amour. Nous nous marions et sommes heureux depuis plus de 30 ans. 

À 22 ans, je suis reconnue handicapée à 55% et droit à l’AAH, à 26 ans, je passe à 80%. Mais le revenu de mon mari fait que depuis de nombreux années, mon droit à l’AAH n’existe que sur le papier. Pas une seule fois, mon mari m’a fait me sentir comme un poids.

Néanmoins, à l’achat de notre appartement, il était seul à pouvoir emprunter, c’était pour moi la première humiliation.

À deux, nous aurions pu voir plus grand. L’envie de fonder une famille était là, mais entre la maladie et la situation financière, ce choix a été repoussé jusqu’à … son abandon.À 45 ans, ne pouvant plus marcher plus de 100 m,  je dois passer le permis conduire. J’en ai toujours rêvé, mais financièrement c’était pas dans le budget, car il n’y a aucune aide, si ce n’est pas pour le besoin du travail.  La PCH* m’a été refusée pour le changement du véhicule (automatique) ainsi que pour l’installation de l’ascenseur. Des frais lourds mais essentiels à mon autonomie. Là encore, c’est mon mari qui a payé. 

Le pire, c’est d’être tiraillé entre l’injustice de cette dépendance et l’impression de chance d’avoir un toit sur la tête et un frigo rempli.  

Aujourd’hui, je suis triste de me dire que nous aurions pu faire des choix de vie différents si j’avais touché l’AAH durant toutes ces années. Mais ne pouvant changer le passé, j’aime espérer qu’enfin le calcul change et que

la loi de désolidarisation des revenus du couple voit enfin le jour, que je puisse un jour alléger le quotidien de mon mari, comme lui le fait depuis le début pour moi. 

*PCH : Prestation de compensation du handicap