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Cécile : « Je me sens inférieure car je n’apporte aucune entrée financière. »

 J’ai longtemps hésité à écrire sur ce sujet dont finalement j’ai honte, alors que j’en suis pourtant victime. Être malade et souffrir d’un handicap, je ne l’ai bien évidemment pas choisi.

Depuis toujours, j’ai appris à grandir en gardant les poings serrés. Se battre contre la souffrance, la douleur, la différence, les préjugés. Tout cela n’est pas facile. Avancer encore, garder la tête haute, et trouver sa place dans la société n’est pas toujours chose aisée lorsqu’on n’entre pas tout à fait dans les cases. Lorsqu’on ne correspond pas vraiment aux « normes ». Battante, souriante, et malgré la maladie qui me ronge année après année, un petit bout de femme plein de détermination, voilà ce que j’étais durant les 24 premières années de ma vie.

L’amour est une chance. Un formidable cadeau. Une force supplémentaire qui vous soulève et vous permet quelques fois de déplacer des montagnes. Ce bonheur, malgré le handicap, les obstacles du quotidien, le combat pour la vie quand la maladie vous étrangle, je l’ai pris comme une chance inespérée. 

En épousant l’homme que j’aime, j’étais loin de me douter que cela représenterait d’énormes difficultés financières.

J’ai rempli les documents. J’ai signalé mon changement de situation. J’ai fourni les pièces justificatives. Et j’ai reçu ce courrier m’annonçant que l’AAH ne me serait plus accordée, car mon époux avait un salaire qui dépassait les plafonds fixés pour pouvoir prétendre à obtenir une quelconque allocation.

Du jour au lendemain, je suis devenue dépendante. C’est comme si au moment où je prenais pleinement mon envol dans cette nouvelle vie à deux, on me tirait une balle en plein ciel. La chute fut vertigineuse… Depuis que je suis mariée, je vis exclusivement grâce au salaire de mon mari. Je me sens honteuse et prisonnière de cette situation. J’ai perdu une forme de liberté et d’autonomie. J’ai le sentiment d’être financièrement un boulet aux chevilles de notre couple.

Je ne perçois pas d’AAH. Chaque dépense réalisée dans la vie de tous les jours est prélevée sur l’argent que lui seul ramène grâce à son emploi. Je me sens inférieure car je n’apporte aucune entrée financière, et j’ai davantage encore cette culpabilité d’être malade bien ancrée dans la poitrine. Je paye le prix de ne pas pouvoir travailler, de ne servir à rien. Et je fais bien malgré moi payer le prix à mon mari d’être tombé amoureux d’une jeune femme handicapée car je nous enfonce financièrement.

Quand je dois faire une dépense, même pour un simple cadeau d’anniversaire, je dois puiser sur ce que j’estime être l’argent de mon mari. Mon mari finance tout à lui tout seul puisque lui seul gagne de l’argent. Pour tout achat, j’ai la place de celle qui dépense, et qui doit systématiquement demander à son conjoint si elle a son « autorisation ».

Je ne suis pas dépensière, mais c’est profondément humiliant de devoir toujours demander l’accord à la personne avec qui l’on vit de puiser sur ses finances. On ne peut pas partager les frais. C’est toujours mon époux qui paye. Cela peut créer des tensions par moments, et des disputes blessantes.

Au lieu d’avancer sereinement dans cette nouvelle vie, voilà bientôt onze ans que je suis devenue totalement dépendante de mon mari. C’est une situation très douloureuse et humiliante même si je l’aime de tout mon cœur.

Je veux être son épouse, pas un boulet financier. Je ne veux plus entendre : « Je te rappelle que l’on a que mon salaire. Sans moi, on ne pourrait pas ceci, ou cela… ».

Je ne veux plus avoir honte de dire « Il faut que je demande à mon mari si je peux acheter cet article car moi je n’ai pas d’argent ».

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Benjamin : «Le serpent qui se mord la queue»

J’ai 39 ans, je suis en situation d’handicap depuis ma naissance : né prématurément, j’ai été opéré d’une hydrocéphalie dans les années 80 et de nombreuses complications en ont découlé, laissant de graves séquelles.

Mon handicap ne me permet pas de travailler, j’ai une reconnaissance d’invalidité à plus de 80%, et pourtant je ne touche qu’une partie de mon allocation. En effet, j’ai rencontré ma compagne il y a  maintenant 13 ans, nous vivons ensemble, elle est soignante, aide médico-psychologique plus exactement, dans une maison d’accueil spécialisée. Elle accompagne des adultes polyhandicapés dans tous les actes de la vie quotidienne, etc. Pourtant elle ne gagne pas énormément : elle a un salaire net de 1500 euros environ, en travaillant deux week-ends par mois… Par conséquent, je ne peux prétendre au 900 euros d’AAH par mois, je touche actuellement 530 euros car le revenu de ma conjointe est pris en compte.

De ce fait, je ne peux quasiment pas participer à nos besoins, je me retrouve donc sans pouvoir travailler et dépendant financièrement de ma femme qui se tue au travail…

Elle ne peut prétendre à la prime d’activité car mon AAH rentre en compte dans le calcul de cette prime… Le serpent qui se mord la queue…

Je ne me sens pas très bien par rapport à cette situation, j’aimerais tant soulager ma compagne.

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Stéphanie : «698,52€. C’est le prix de notre amour.»

5 février 2021, le couperet tombe. 698,52€. C’est le prix de notre amour. Aussi grand puisse-t-il être, il ne pèse pas bien lourd …encore 50€ de moins, cette année, sur mon allocation d’adulte handicapée.

50€? Ce n’est pas grand-chose, et beaucoup à la fois me direz-vous. C’est un plein d’essence ou une quinzaine de repas à la cantine pour Gabin.

Pourtant, le système allocataire familial décide que, parce que l’on s’aime et que l’on vit sous le même toit, les revenus de ton conjoint, qui avoisinent les 1600€ par mois, sont trop « élevés » et peuvent nous faire « vivre décemment ».

Ce qu’on me donne bien gentiment pour « palier de façon compensatoire à ma situation de handicap » dépend directement de ce que mon mari reçoit en salaire…

Donc, je ne suis pas encore assez dépendante physiquement de lui ? Il faut encore que je le sois financièrement ? En deux années, j’ai perdu presque 400€ juste parce que c’est le système qui le décide. Comment ne pas être en colère ?

Comment puis-je me sentir bien, vis à vis de mon mari ? Ne pas se sentir comme un fardeau, dans une situation pareille, est quasi impossible.

Quand comprendra-t-on que les personnes atteintes de handicap ont leur propre individualité humaine ? Elles ont aussi des capacités, certes à adapter, mais tout aussi valables que les personnes valides, à proposer à la société pour être rémunérées, ou bien, lorsque le handicap les prive de cette possibilité, qu’elles ne l’ont pas choisi, faut-il rappeler que leur handicap ne dépend pas de leur conjoint Je suis fatiguée de me débattre dans ce piège insensé. Je suis épuisée par cette injustice… Une injustice discriminatoire envers les allocataires de l’AAH ?

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Martine, témoignage d’une belle-maman : « Ils ont besoin de ces 900 euros pour vivre à deux à Paris vu le prix des loyers »

Bonjour, ma fille de 30 ans est amoureuse d’un homme handicapé. Elle est professeur de français. 

Elle ne peut ni vivre en couple, ni se marier, ni avoir des enfants car sinon son fiancé qui vit chez ses parents perd son AAH.

Or ils ont besoin de ces 900 euros pour vivre à deux à Paris vu le prix des loyers. C’est la quadrature du cercle. Ils sont privés de perspectives d’avenir en commun et de la possibilité de fonder une famille.

C’est ça l’insertion des handicapés,  les obliger à rester vivre toute leur vie avec leurs parents comme des mineurs attardés* ?

* Nous avons eu des remarques sur ce terme assimilable à un r-word, du coup nous allons répondre : pourquoi avons-nous gardé le mot « attardé » dans le témoignage de Martine ?

1 même si nous corrigeons légèrement l’orthographe ou l’expression afin de permettre à toutes et à tous de pouvoir être compris, nous ne sommes pas égaux devant la maîtrise du français, nous essayons de respecter au mieux les propos de chacun et de chacune

2 une fine analyse grammaticale montre que Martine ne qualifie personne d’attardé, elle indique qu’elle trouve que les personnes handicapées sont traités comme des enfants attardés, elle réalise une comparaison qui reflète bien la réalité des représentations sur les personnes handicapées : d’une part le préjugé sur leur éternelle enfance et leur immaturité, donc bien un retard de la capacité à assumer des responsabilités. En tant que mère proche elle est parfaitement légitime dans cette analyse. D’autre part le préjugé sur la totalité du handicap qui toucherait toutes les fonctions de la personne qui amène beaucoup de gens à parler plus fort aux personnes en fauteuil… ceci va bien jusqu’à l’insulte des capacités de la personne et l’utilisation du terme « attardé » reflète cette violence dont elle est témoin.

3 Jamais il n’est question de diversité mentale ou cognitive et de sa nomination comme retard / attardement. Nous nous trouvons accusé de validisme pour juste laisser les personnes témoigner de la façons dont sont considérées et traitées de nombreuses personnes handicapées… on se trompe de combat ! Notre action vise justement à rendre visible une certaine forme d’oppression et de discrimination exercée sur les personnes handicapées par le mode actuel du calcul de l’AAH.

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Véronique : « Il devrait s’agir d’un « droit propre » comme pour la pension d’invalidité »

Bonjour, mon mari a perdu la vue suite à une maladie des yeux. Initialement, l’AAH est censée compenser la perte financière liée au handicap, ou faire complément pour les personnes travaillant en ESAT*. Il n’est donc ni logique, ni cohérent que le calcul soit lié aux revenus du conjoint. Il devrait s’agir d’un  »droit propre » comme pour la pension d’invalidité versée par la sécurité sociale. Ce mode de calcul est injuste et humiliant pour la personne en situation de handicap.

Non seulement, il y a la souffrance physique et psychique, le besoin d’aide, le regard des autres, le mépris parfois, la perte de lien social, et de surcroît une dépendance financière : cela fait beaucoup.

Au sujet de l’AAH, nous sommes très mal informés : je vais donc vous donner trois petits tuyaux.

  • Si vous avez une PCH pour aide humaine, pour aidant familial, (environ 200 € par mois), vous n’avez pas à le déclarer ni aux impôts, ni sur votre déclaration trimestrielle AAH. Il s’agit d’un dédommagement, même si l’aidant est votre conjoint, non imposable.
  • Si vous percevez une rente invalidité d’un organisme de prévoyance, si ce contrat a été souscrit par un tiers (par exemple votre employeur) en votre faveur, et uniquement dans ce cas, vous ne devez pas déclarer. Par contre cette rente est imposable.
  • Si votre handicap ne peut évoluer favorablement, avec certificats médicaux, et que la MDPH a rejeté votre dossier après demande de recours gracieux, vous pouvez prendre rendez-vous auprès d’un médiateur de la république de votre région. C’est totalement gratuit, si votre demande est fondée, les choses vont vite.

Au sujet des violences au sein du couple, pour nous cela n’a pas été le cas. Mais je comprends tout à fait que dans une maison où l’argent manque, cela provoque des tensions.

Tout dépend de la personnalité du conjoint, mais en aucun cas la personne handicapée n’a à accepter de la violence, même verbale.

*Etablissement et Service d’Aide par le Travail, mais cela vaut aussi pour le travail en milieu ordinaire

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Antoine : « Ma copine a commencé à faire pression sur moi pour me donner de l’argent »

J’étais en couple et j’avais mon appartement. Quand on a voulu se marier, on a appelé la CAF pour savoir si on avait le droit à une « aide pour le mariage » . Et c’est comme ça que la CAF a été au courant de ma situation conjugale. La CAF a sucré mon AAH et mes APL, du jour au lendemain. Je me suis retrouvé sans rien ! La CAF a ouvert une enquête et mes droits ont été bloqués. Après avoir demandé de l’aide à ma mère, tout le monde m’a lâché !

Je ne pouvais plus payer mon loyer, je n’avais même plus de quoi manger !

Ma copine a commencé à me donner de l’argent pour les courses, pour qu’on continue à se voir… Mais je ne pouvais pas payer mon loyer. Et puis au fil des mois, je ne savais plus où dormir : car tant que je n’avais pas un « chez moi » je ne pouvais pas prouver que j’étais célibataire ! La CAF m’a demandé de rembourser l’argent perçu tout le temps que j’ai vécu en couple. Je ne savais même pas qu’on ne pouvait pas aller voir sa copine dans un couple. C’est important de vivre sous le même toit, une femme qui veut vivre en couple a besoin de son homme !

À la maison, on a commencé à avoir des tensions entre les allers-retours entre ma famille et l’appartement de ma copine. Celle-ci a commencé à
faire pression sur moi pour me donner de l’argent, c’était en contrepartie ou sous « conditions ». Je m’explique : elle dictait la façon dont je devais me conduire au quotidien.

Je ne pouvais plus vivre comme ça, dépendre d’elle complètement. J’ai perdu ma dignité, ma fierté d’homme. J’ai donc décidé de partir. Je me suis retrouvé à vivre dans une chambre à Paris puis finalement vivre dans la rue. Je n’ai cessé d’appeler la CAF, qui me répondait que ma situation était bloquée puisque j’ai été en faute.

Sans argent, sans mutuelle, sans mes médicaments, j’ai donc été
hospitalisé et une demande de curatelle a été lancée par un médecin. Dans mon dossier de demande de curatelle, il est inscrit que j’étais sans argent malgré mon droit à l’AAH. Grâce à son rapport d’expertise, j’ai pu retoucher mon AAH 8 longs mois plus tard. Mais l’expert m’a reproché de n’avoir pas bien géré mon argent que je n’avais pas et c’est ce qui a justifié la mise sous curatelle.

J’ai renoncé à habiter avec ma copine, on ne s’est jamais mariés, j’ai
dû retrouver un appartement. Ces deux années de ma vie m’ont brisé, j’ai eu une décompensation psychotique.

Aujourd’hui cela fait 10 ans que je vis seul, du moins pas en concubinage. C’est une cruelle injustice, je le sais et en mesure les conséquences.

Je pensais que mon témoignage pourrait être intéressant alors je suis heureux qu’il vous convienne et que vous le trouviez pertinent. Vous comprenez que lorsque j’ai appris la possibilité de cette loi ça m’a fait un choc, ça aurait pu changer ma vie. En tout cas je suis gêné lorsqu’une fille parle ou propose d’habiter chez moi, ou de se mettre en couple avec moi et faire des projets. Je suis obligé de la laisser partir ou de lui dire non.

Au final on ne construit pas de relation, ça peut avoir des conséquences sur notre relation, des conséquences de rupture et c’est dommage quand même vous en conviendrez de vivre seul, ça manque de charme de pas se réveiller le matin à deux en souriant. Si cette loi passe je pourrais envisager les choses différemment.

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Martine : « Je me bats à vos côtés pour ma fille qui vit le même cauchemar que j’ai vécu toute ma vie »

Bonjour, je m’appelle Martine et je vais avoir 65 ans. Je suis atteinte de la maladie de Marfan, maladie génétique rare qui touche les yeux, le cœur, les poumons et le squelette. Je me souviens que mes parents avaient demandé ma carte d’invalidité sans connaître la maladie dont je souffrais. A 12 ans, j’ai perdu la vue pendant 2 ans. J’ai perdu ma maman à l’âge de 54 ans et 3 frères : un petit, un de 18 ans et, il y a quelques années, un de 66 ans tous atteints du Marfan.

Je me suis mariée à 18 ans et j’ai eu 3 filles. A la naissance de ma fille aînée Sonia, les médecins ont mis un nom sur la maladie car elle aussi était atteinte. A ce jour, j’ai subi 18 opérations, dont 7 des yeux. Un anévrisme de l’aorte avec ré-implantation de toutes les coronaires, hernie discale avec prothèse dans le dos et j’en passe…

J’étais secrétaire en assurances de 1981 à 1994 où là, j’ai été reconnue invalide à 90% avec impossibilité de travailler. J’ai donc dû cesser mon activité et comme mon mari à cette époque gagnait dans les 1200 euros, mon AAH était distillée donc double peine.

Comme beaucoup je me contentais de ce que j’avais en vêtements et autres car, avec le peu que j’avais, il fallait contribuer à faire vivre la famille.

Je dois dire que mon mari ne m’a jamais fait de réflexions à ce sujet, ce qui était à lui était à moi. Ce qui m’a fait le plus de peine, c’est que mon mari, qui travaillait pour la commune, a toujours refusé de monter des échelons ou de percevoir des primes car on me réduisait mon AAH d’autant.

Une anecdote marquante : en fin de carrière, la mairie s’est rendue compte que la secrétaire avait oublié de lui compter une augmentation de salaire pendant 2 ans. Pour ce faire, il a reçu un rattrapage de 3000 euros et de l’autre côté, j’ai dû les reverser pour une AAH trop perçue, donc c’était chou blanc…

Depuis mes 60 ans, je suis à la retraite et je dois dire que je n’ai jamais été aussi heureuse car je touche une petite retraite pour ce que j’ai travaillé et le reste est complété par l’ AAH au maximum. Normalement on m’avait attribué le complément de ressources (capacité de travail inférieure à 5%) de 2016 à 2026 et que je n’ai jamais touché. J’ai appris qu’à la retraite, la CAF devrait me le verser mais elle ne veut rien entendre.

Si pour moi aujourd’hui il est trop tard, je me battrai à vos côtés pour ma fille Sonia qui vit le même cauchemar que j’ai vécu toute ma vie.

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Christian : « Mon témoignage a pour seul but de souligner que ce problème n’est pas d’aujourd’hui. »

En 1975, alors que j’étais étudiant, j’ai perçu une allocation mensuelle qui à l’époque ne s’appelait pas encore AAH mais qui a pris cet acronyme quelques années plus tard.

En 1982, j’ai rencontré celle qui allait devenir mon épouse et nous nous sommes rapidement mis en ménage. Ne souhaitant pas rester dans cette situation toute ma vie, j’ai stoppé mes études et entrepris de me mettre à la recherche d’un travail. Après plus de 150 rendez-vous j’ai fini par croiser un employeur qui m’a donné une chance unique : non seulement il a décidé de m’embaucher mais, ayant compris mon souhait de ne plus avoir l’étiquette de handicapé (à l’époque, cela n’était pas un gros mot…), il l’a fait dans des conditions tout à fait ordinaires sans que je sois travailleur protégé. La contrepartie de cette main tendue était l’acceptation d’un salaire extrêmement bas par rapport à mon niveau d’études, c’était en fait le SMIC de l’époque.

Ma rémunération mensuelle était inférieure à l’allocation que je percevais auparavant. Cependant, j’étais extrêmement fier de subvenir moi-même à mes besoins et je me suis empressé de le signaler à l’organisme payeur (CAF) lors de la déclaration annuelle de ressources. La réponse ne s’est pas faite attendre. J’ai rapidement reçu une notification m’indiquant que je devais rembourser le trop-perçu sur les quelques mois pendant lesquels j’avais également touché mon salaire. Je m’attendais bien évidemment à cela et je l’acceptais, sans doute avec encore une fois un peu de fierté.

En revanche, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le salaire de ma compagne pour l’année n-1 était pris en compte et que l’on me demandait donc le remboursement de l’allocation à compter du jour où nous avions décidé de prendre un appartement en commun. Dans sa grande bonté, la CAF a accepté d’étaler sur 12 mois ce remboursement…

Ma vie de couple n’a pas été affectée par des problèmes liés à l’AAH puisque j’ai cessé de la percevoir et que je ne souhaitais plus que ce soit le cas. À l’époque, ma compagne avait un salaire bien supérieur au mien, de l’ordre du double… De ce fait, si j’avais souhaité continuer à la percevoir, cela aurait été refusé. Mon témoignage a pour seul but de souligner que ce problème n’est pas d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, pour moi, tout va bien. Après une carrière bien remplie, je suis à la retraite.

Je n’en reste pas moins sensibilisé à ce problème qui reste pour moi une injustice qui aurait dû disparaître depuis bien longtemps.

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Karine : « Avec mon compagnon nous nous disputons sans arrêt pour ça, on est au bord de la rupture… »

Bonjour, je m’appelle Karine, j’ai 53 ans. Je suis en vie maritale (concubinage) depuis le 1 janvier 1988. Mon concubin a une activité non salariée il est agent immobilier indépendant dans une petite ville depuis le 28 août 2005. Nous avons 2 enfants rattachés à mon dossier CAF, ils sont nés en 02/2000 pour mon fils et en 01/2003 pour ma fille.

J’ai été déclarée inapte au travail et licenciée. J’étais serveuse en restauration traditionnelle. Au bout de 2 ans d’arrêt de travail j’ai été mise en invalidité (cat. 2) depuis le 1 avril 2014, je perçois donc une petite pension de 340.52 € . Je suis reconnue handicapée par la MDPH pour un taux supérieur à 50 % et inférieur à 80 %, depuis 2014 on m’a donc accordé l’AAH. Je n’ai pas droit à la PCH vu que mon taux et inférieur à 80 %. Mon AAH s’élève actuellement à 559.12 € pour cette année vu que les revenus de mon conjoint ont baissés pour l’année 2019 par rapport à 2018 où ils étaient supérieurs au plafond, ce qui à donc entrainé la suppression de mon AAH pour l’année 2020. Aujourd’hui je la re-perçois pour 2021 car les revenus de mon compagnon ont largement baissés et que notre 2ème enfant compte pour le quotient familial vu qu’elle n’a pas encore 20 ans. 

Mme Cluzel a dit que les couples ont 1/2 part supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu mais c’est faux pour ceux qui ne sont pas liés fiscalement ! Même en concubinage on prend en compte les revenus du conjoint alors qu’il n’y a pas les mêmes avantages fiscaux. De plus, comme mon concubin est seul propriétaire de notre habitation il n’a droit à aucune exonération sur les taxes d’habitation et foncières puisque son revenu fiscal de référence est supérieur aux limites. C’est comme si on perdait des deux côtés.

Aujourd’hui je dois demander à mon compagnon si j’ai le droit de dépenser pour acheter telle ou telle chose, il assume pas mal de frais mais il n’a pas un salaire fixe chaque mois vu qu’il est indépendant et on doit faire attention à nos dépenses, nos enfants vivent à la maison et génèrent aussi des dépenses, mais comme ils sont majeurs nous n’avons plus droit à aucune aide de la CAF.

J’en ai marre de devoir demander de l’argent pour mes vêtements, mes loisirs, ou les soins qui me font du bien comme mes séances d’équithérapie ou d’ostéo, qui ne sont pas prises en charge par la sécu.

J’ai pensé fortement à me séparer, mais je ne peux pas vivre autrement que dans une maison individuelle à cause de ma dépression chronique. Je ne supporte pas de vivre en habitation collective, cela me déclenche de vives crises d’angoisse et de panique, et je ne me sens pas en sécurité dans ce genre d’habitat. De plus mes revenus ne me permettraient pas d’acheter une petite maison individuelle et je ne pourrais pas prétendre à un prêt de la banque de toute manière. Je souligne qu’en 2017 la maison de mon compagnon a pris feu, nous avons été relogés en maison jumelée et même là j’étais très mal mentalement. Heureusement nous avons eu la chance de trouver une nouvelle habitation individuelle adaptée aux personnes handicapées, car en plus d’être dépressive, je souffre de douleurs chroniques et de différentes pathologies dégénératives des articulations.

Avec mon compagnon nous nous disputons sans arrêt pour ça, on est au bord de la rupture et si je devais le faire ce serait définitivement. Ma vie ne vaux rien à ce jour et parfois j’ai envie d’en finir une bonne fois pour toute.

Je demande à ce que la loi sur la désolidarisation des revenus des conjoints passe à l’assemblé pour la raison suivante : je veux mon indépendance financière et retrouver de la sérénité.

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Sonia : « Depuis presque 4 ans, je ne touche plus que 590 euros car mon mari touche apparemment trop »

Je m’appelle Sonia, je suis porteuse d’une maladie génétique rare et héréditaire nommée le syndrome de Marfan. Elle est très invalidante puisqu’à seulement 45 ans,  j’ai déjà subi 2 opérations à coeur ouvert et 11 opérations des yeux ! Ma maman m’a donné ce cadeau empoisonné bien malgré elle et j’ai donc dû grandir avec la peur de ce qui allait bien pouvoir m’arriver et surtout cette peur de mourir qui ne me quitte jamais !

L’école pour moi n’a jamais été un long fleuve tranquille car ma maladie me mettait sans cesse des bâtons dans les roues et j’avoue que ça été très dur ! J’ai grandi avec deux plus jeunes sœurs qui n’ont pas cette maladie mais qui sont là à chaque fois que j’ai besoin d’elles et qui me boostent quand j’ai le moral qui flanche.

Je suis mariée depuis presque 25 ans avec Fabrice et il y a  Pierre, notre rayon de soleil  qui va sur ses 24 ans. Il est né malgré les mises en garde et refus des docteurs soucieux pour les conséquences sur ma santé mais je ne regrette absolument rien, il est une des plus belles choses qui me soient arrivées, ce n’est pas le sujet mais je tenais à le souligner  !

Je suis invalide à  80  % et je touche l’AAH à vie. Tant que notre fils avait moins de 20 ans, il était considéré à notre charge et donc je touchais mon AAH à taux plein mais après ses 20 ans cela a changé la donne. Depuis presque 4 ans,  je ne touche plus que 590 euros car mon mari  touche apparemment trop… 1700 € ! Pire, je toucherais 0 € si on ne déclarait pas ses frais réels plus avantageux pour nous !

Ils appellent ça la solidarité familiale… moi j’appelle ça de l’injustice ! On n’a pas choisi ce qui nous arrive… personne ne voudrait notre place… Notre handicap, nous le vivons tous les jours et personne ne peut comprendre ce que nous vivons au quotidien.

Est-ce que vous accepteriez que l’on dise à quelqu’un  qui arrive à sa retraite qu’en fait il ne touchera rien car son conjoint, toujours actif,  a 1700 € de salaire ! Personne n’accepterait cela, alors pourquoi nous nous devrions rester sans rien dire ?

Je redoute chaque augmentation qu’a mon mari car à chaque fois je sais que moi du coup mon AAH chute et il ne peut pourtant pas les refuser car c’est ce qui lui fait sa retraite. Sa demi-prime de Noël n’est finalement pas un cadeau non plus car à la sortie je paie les pots cassés !

J’en appelle au bon sens des députés qui vont devoir voter cette loi, je leur demande de se mettre à notre place car le handicap peut aussi un jour frapper à leur porte ! Je leur demande un peu d’humanité…